Alpes

Lundi 9 avril 2018

Nous quittons Nara pour aller dans le nord du pays à Kanazawa, un bout du monde, un terminus de ligne de train situé de l’autre côté des Alpes japonaises. Pourquoi aller si loin me direz-vous ? Eh bien, un jardin parmi les plus beaux du pays (Kenrokuen) et des quartiers très bien conservés de l’époque Edo (Naga Machi).

Petite surprise, notre train pour Kanazawa est annoncé quai numéro… zéro ! Non nous ne sommes pas entrés dans le monde de Harry Potter avec son quai 9 3/4 ! Il y a vraiment un quai numéro zéro :

Arrivés sur le quai, nous sommes un peu perdus pour trouver la position de notre voiture car il y a 3 marquages au sol de différentes couleurs avec différents numéros. Spontanément une dame de la compagnie ferroviaire vient nous proposer son aide et nous indique que dans cette gare il ne faut pas regarder au sol comme d’habitude mais en haut.  Il y a en haut pour chaque voiture un affichage numérique.

Bien que Kanazawa ne soit ni dans le Routard, ni dans le Lonely Planet, la ville est remplie de touristes occidentaux. Il y a un festival de spectacles de geishas à destination des touristes, ce spectacle joué en anglais pourrait avoir contribué à l’affluence. Nous avons donc des centaines d’amis pour visiter le jardin Kenrokuen, mais comme il est assez étendu (11 hectares) ce n’est pas trop gênant.

Le nom Kenrokuen signifie que la jardin possède les 6 attributs d’un jardin aménagé parfait : espace, calme, ingéniosité (rivière artificielle), beauté antique, eau, vue magnifique (le jardin domine la ville et la vue s’ouvre jusqu’aux Alpes encore couvertes de neige aujourd’hui début avril). Avec les Alpes à proximité la végétation est un peu moins avancée que dans le reste du Japon.

Les cerisiers sont pour certains encore en pleine floraison. C’est justement le cas de la star locale, le cerisier chrysanthème. Comme ses fleurs peuvent porter jusqu’à 300 pétales ils rappellent la riche forme du chrysanthème (fleur impériale). Le jardin comprend aussi la plus ancienne fontaine du pays, un geyser vertical de 3 mètres, étonnant ! Le jardin est prolongé par d’autres immenses espaces verts, les jardins du château.

Malheureusement il reste peu de chose du château qui était un immense complexe (commencé au XVIème siècle, étendu, puis plusieurs fois détruit par les incendies). Seuls quelques portes et tours sont encore là. La plus haute abrite un musée dont la visite est brève car peu de traductions en anglais. Il explique les techniques de construction et reconstruction/restauration. Mais de son sommet la vue sur les jardins, les douves et les montagnes saupoudrées de neige est charmante. Une maquette permet de se rendre compte de l’étendue du site et de son ambition militaire avec douves et double enceinte.

Kanazawa est aussi connu pour ses quartiers anciens, nous faisons un tour dans celui de Nagamachi. Nous goûtons une spécialité locale : la crêpe fourrée faite d’un petit pancake roulé comme une cigarette et fourré avec au choix : pâte de haricots rouges, thé matcha ou fleur de cerisier.

Mercredi 11 avril 2018

Trajet en train depuis Kanazawa jusqu’à la ville de montagne de Takayama. Sur le bord de la voie, Stéphanie a vu trois singes qui ressemblaient de loin à des koalas avec leur petite taille et leur pelage gris clair !

Les montagnes sont encore couvertes de neige. Le train longe une rivière vert émeraude profondément encaissée, les versants sont abrupts et les tunnels nombreux. Le climat est très différent de la plaine côtière. Les cerisiers sont ici en pleine floraison, ils ont bien 3 semaines de retard par rapport au reste de l’île ! Nous suivons les fleurs de cerisiers 🙂

Jeudi 12 avril 2018

Nous commençons la journée par parcourir le marché du matin de Miyagawa. Un petit tour agréable le long de la rivière et des produits locaux : légumes du jardin, fleurs, ou figurines de bébés singes vêtus de rouge, emblème de Takayama.

La suite de la matinée est consacrée à la “Randonnée des temples” avec douze temples à visiter et une promenade charmante. Après avoir doublé un bus de Britanniques au premier temple, nous avons ensuite le parcours zen presque pour nous tous seuls. Et les arbres sont encore en fleurs partout ici, avec la chance d’éviter la pluie, que demande le peuple ?

La réponse est : une pause gastronomique, la spécialité locale est le bœuf de la ville voisine (Hida). Nous optons pour un restaurant où nous faisons la cuisson nous-mêmes dans un fait-tout en fonte avec un bouillon et des légumes. La viande d’Hida est effectivement fondante.

Vendredi 13 avril 2018

 

Le matin, nous montons la colline pour aller à Hida. Encore une fois la gentillesse des habitants est étonnante. Comme nous sommes partis tôt, les musées sont encore fermés à notre arrivée, en nous voyant faire une pause devant l’un d’entre eux, une dame court vers nous pour nous informer des horaires.

Mais notre cible est un peu plus haut sur la colline, le Hida Folk Village, une sorte de “parc d’attractions culturel” sur la vie rurale du Japon d’autrefois. Pour re-créer cet univers, d’authentiques maisons typiques des villages de la région ont été rassemblées ici et permettent de faire revivre les différents métiers (tisserands, charpentiers, artisans de la soie, du bois….).

Le Folk Village est à la fois instructif et beau avec la vue sur les montagnes enneigées, les arbres en fleurs, le reflet des maisons au toit de chaule sur l’étang. La conception du site est réussie : l’ensemble de la vie rurale est présent avec les maisons et ateliers mais aussi les cultures (riz, champignons shiitake qui mettent 4 ans à pousser !), le sanctuaire, les outils, les meubles, les latrines pour récupérer l’engrais. Stéphanie précise qu’il y a aussi des toilettes modernes pour notre usage car sinon ce serait le drame ! Dans les maisons, le feu est allumé en permanence comme à l’époque car dans ce climat frais et humide, la fumée éloigne insectes et moisissures.

La vie quotidienne dans le Japon rural est expliquée avec des panneaux en anglais. Il y a même des jeux pour amuser les petits… et les grands, photos en costumes traditionnels, toupie en bois, donner à manger aux carpes… Tout les panneaux sont traduits en anglais et expliquent bien que le style des maisons n’était pas pour faire joli mais utilitaire, et le facteur majeur qui différencie les maisons c’est la neige ! En fonction de la localisation de la maison (altitude, climat), la construction était très différente (pas de véranda ouverte dans les zones de montagne), notamment les toits sont très divers.

Après avoir dévalisé une boulangerie pour le déjeuner, nous voici dans le bus jusqu’à Matsumoto. Seul le bus est direct pour rejoindre notre destination : nous ne regrettons pas ce mode de transport un peu lent car il permet d’admirer le paysage en traversant les Alpes. Nous sommes proches de la neige, on pourrait la toucher. D’ailleurs les congères sont là sur le parking voisin, nous sommes contents d’avoir les vestes à portée de main et le smartphone pour photographier ces paysages. Par contre nous ne sommes pas assez rapides pour “capturer” les deux singes qui fuient la circulation. Oui Stéphanie voit encore deux singes et moi rien. Certes c’est elle qui est assise côté fenêtre mais c’est quand même râlant.

Arrivés à Matsumoto nous descendons du bus et prenons la correspondance pour un train local vers notre B&B à la campagne. Mais le train est en avance par rapport aux horaires et nous ratons donc notre station : comme le train est bondé, nous ne voyons pas le nom de la gare et nous ne comprenons pas que c’était notre gare.

Nous descendons à la suivante et faisons le chemin à pied vers le quartier visé, même si nous n’avons malheureusement pas l’adresse précise. Arrivés dans le quartier, nous dérangeons donc un vieux monsieur en plein jardinage et lui montrons le nom de notre hôte écrit en kanjis. Il hèle sa voisine, elle nous emmène jusqu’à notre destination et téléphone avec son portable à notre hôte qui nous attendait avec sa voiture à la gare précédente, comme promis.

5 minutes plus tard, l’hôte arrive et nous ouvre la porte du paradis, enfin du B&B. Notre hôte a 81 ans, il parle quelques phrases d’anglais et comprend une partie de ce qu’on lui dit, cela fait plaisir de pouvoir échanger un minimum avec quelqu’un. Il nous accueille chaleureusement, nous emmène au supermarché et prend soin de faire le trajet que nous emprunterons le lendemain pour nous rendre à pied à la gare.

 

Samedi 14 avril 2018

Nous sommes venus là pour visiter le château de Matsumoto, aussi surnommé château du Corbeau du fait de sa couleur noire. Le donjon date de la fin du XVIème siècle et est le plus vieux château du pays encore debout. C’est une attraction majeure, pas seulement pour son ancienneté mais aussi pour sa position : avec les montagnes enneigées comme décor, c’est grandiose.

Même si Matsumoto est une ville perdue dans la montagne, la foule est là pour visiter le château, il faut donc faire un peu de queue. Le donjon, tout en bois, aurait été épargné par le feu depuis 4 siècles grâce à une déesse. La déesse, apparue au sommet du donjon, avait réclamé une offrande somptueuse chaque mois en échange de sa protection contre les incendies.

Seul le donjon et une porte ont échappé au feu, les autres portes ont été reconstruites au XXème siècle. Après avoir survécu aux attaques et au feu, le château a affronté son plus grand péril lors de l’ère Meiji. L’ère Meiji a été comme notre Révolution dans le sens où le passé devait disparaître. Heureusement 2 personnalités locales, soutenues par la population, ont réussi à sauver le donjon.

Nous retrouvons des explications semblables aux autres château-forts du Japon : les conséquences de l’arrivée des armes à feu, importés d’Occident puis produites sur place, les fenêtres aux formes différentes en fonction des armes utilisées (arcs, arbalètes, mousquets), les escaliers raides où il faut faire attention à la tête, les ouvertures pour jeter des pierres sur les assaillants, l’architecture défensive avec douves et enceinte.

La vue du château sur les Alpes encore couvertes de neige qui encadrent la vallée est belle, c’est la province de Nagano, ville des Jeux Olympiques d’hiver en 1998. Ici il fait frais, même si c’est une grande vallée ouverte. Les sommets qui encadrent la vallée culminent à plus de 3000 mètres. Beaucoup d’arbres sont encore en fleurs : pêchers, cerisiers pleureurs. Le quatrième étage, qui pouvait servir de résidence privée au seigneur, est le plus décoré que nous ayons vu même si nous sommes loin des châteaux décorés à la française.

Matsumoto est aussi fière de ses vieux quartiers avec boutiques et de son musée de la Ville qui expose les œuvres de Yayoi Kusama (dont nous avons vu les sculptures à Naoshima). Nous parcourons donc les rues Nawate et Nakamachi pour trouver notre déjeuner. Après plus d’un mois au Japon, nous découvrons encore des plats que nous n’avions jamais goûté.

Nous visitons le musée à côté du château : curieusement il n’est pas consacré à la star locale même si une salle en parle. Le musée a été créé pour commémorer la guerre russo-japonaise. Ouvert en 1906, il témoigne de la culture populaire depuis le début du XXème siècle : comment vivait-on à Matsumoto ? Les objets de la vie quotidienne, les marchés, les écoles, les cultes, l’artisanat. Malheureusement peu de panneaux explicatifs, nous devons deviner l’histoire des objets et la visite guidée n’est disponible qu’en japonais.