Mercredi 13 juin 2018
Départ de Stavanger pour remonter en bus et ferry vers Bergen : les paysages de fjords sont superbes : les maisons en bois sont souvent peintes avec des couleurs bleues, rouges ou jaunes (pour faire venir le soleil en hiver ?), les forêts alternent avec des parois rocheuses verticales.
Le trajet, déjà long initialement (6 heures), est rallongé de 2 heures supplémentaires à cause de rochers tombés dans un tunnel. Nous arrivons donc fracassés à Bergen. Comme Rome (!), Bergen est une ville entourée par 7 collines : la raide montée jusqu’au BnB nous achève 🙁
Nous passons la journée du jeudi au sec au BnB : des trombes d’eau s’abattent sur Bergen, ce qui est fréquent car ici le climat est très arrosé avec près de 285 jours de pluie en moyenne (soit 3 jours sur 4). Pour conjurer les éléments, Bergen organise de nombreux festivals de musique avec des stars sur scène et le son résonne dans toute la ville selon le sens du vent.
Vendredi 15 juin 2018
Ce matin le temps est presque sec aussi nous en profitons pour visiter le quartier historique “Bryggen” avec ses jolies maisons en bois le long du port, la plupart transformées en boutiques. Stéphanie veut acheter un élan pour sa déco mais je l’en dissuade car elle ferait des cauchemars. Les touristes sont là en masse, essentiellement des groupes qui sortent des nombreux bateaux de croisière qui remontent la côte norvégienne. Ces groupes font un court tour de la ville avant de rembarquer.
Pause-déjeuner sur la colline de Floibanen que nous rejoignons grâce au funiculaire. Les touristes sont là en nombre pour profiter de la vue sur la ville : leur guide leur indique qu’ils ont 30 minutes sur place avant de redescendre, juste le temps de faire un selfie en compagnie de la faune sauvage locale, des chèvres qui ne se laissent pas perturber par leur fan club. Randonnée d’une heure sur les chemins, les panneaux sont humoristiques avec des messages très informatifs comme : “si vous cherchez un panneau, c’est ici” 🙂
Samedi 16 juin 2018
Nous prenons un shuttle depuis le centre ville jusqu’au télécabine du mont Ulrike. Ulrike avec ses 643 mètres est la plus élevée des 7 collines qui entourent Bergen. Les chemins de randonnée sont bien plus difficiles qu’à Floibanen avec plus de dénivelé, de la roche, le vent et même la pluie qui s’en mêlent, aussi nous ne restons pas très longtemps là-haut. De retour en ville, le soleil est resplendissant, quel contraste !
Dimanche 17 juin 2018
Pour rejoindre Alesund (prononcez ôlessound), nous passons la nuit du samedi au dimanche dans un ferry de croisière de la compagnie Hurtigruten. Hurtigruten est la compagnie historique norvégienne qui dessert toute la côte Ouest de Stavanger à Kirkenes, située au delà du Cercle Polaire. Nous nous arrêtons “seulement” à Alesund, soit à 62 degrés de latitude Nord.
C’est notre première fois à bord d’un bateau de croisière, un paquebot avec ses 7 ponts. La vie sur un bateau de croisière est grégaire. Les annonces, faites au haut parleur en 5 langues (norvégien, allemand, anglais, français, italien), envoient les voyageurs d’un pont à l’autre, pour le “goodbye Alesund”, pour le briefing sécurité, pour la réunion d’informations et bien sûr, le plus important, pour les repas.
Les croisiéristes sont essentiellement des retraités, venus en couple. Malgré cette moyenne d’âge élevée, nous ne sommes pas les plus jeunes, il y a deux familles avec chacun un enfant. Nous n’aurons pas le temps de profiter des jacuzzis, ni de la salle de sport (je crois que Stéphanie ne s’y serait pas rendue mais si nous avions fait toute la croisière) mais nous admirons longuement la vue depuis le pont supérieur solarium. A 23 heures, le soleil n’est toujours pas couché mais nous oui !
Après une nuit confortable dans notre cabine-bulle japonaise et le petit-déjeuner, nous découvrons la baie d’Alesund. Comme toute la côte norvégienne, c’est un festival d’îles et ici les montagnes sont bien encore couvertes de neige. Alesund est bâtie sur un archipel de 5 îles reliées par des ponts. Et nous avons encore une fois beaucoup de chance puisque le soleil est là et il fait déjà 16 degrés quand nous débarquons à 9 heures du matin sur le quai pour une journée de visite.
Après avoir posé nos sacs au BnB chez Shahram, nous visitons le Centre Art Nouveau : la ville a été totalement détruite par un incendie en 1904 et a en effet été reconstruite dans le style Art Nouveau. Alesund comptait 12 000 habitants au moment de l’incendie : l’incendie fait rage pendant 15 heures et ne laisse que des cendres (toutes les maisons étaient en bois). Les habitants fuient la ville et on ne compte qu’une victime ce qui est un miracle vu la violence du sinistre.
A l’époque, l’Art Nouveau rayonne dans les grandes villes européennes (Paris, Berlin, Nancy, Barcelone, Bruxelles et jusqu’à la Havane…) avec des éléments inspirés de la nature (décors floraux, formes simples et élégantes) et un art dont l’esthétique se veut accessible. Les architectes norvégiens ont aussi repris à Alesund des éléments culturels locaux (dragons…). L’Art Nouveau se veut un art total, il touche donc l’architecture mais aussi le mobilier, la décoration, la vaisselle etc. Chaque élément de la maison est dessiné pour apporter beauté et élégance pour tous.
En 3 ans, une ville nouvelle, avec 600 maisons en brique, marbre et granit, sort de terre. Le chantier profite à tout le pays car la Norvège traversait une crise économique ce qui a permis de reconstruire Alesund avec des matériaux de qualité à bon marché et avec les meilleurs artisans pour “seulement” 150 M€.
Le Centre Art Nouveau donne l’accès au musée d’art contemporain Kube aussi nous visitons aussi le Kube. Le thème est très particulier et ne provoque pas du tout l’enthousiasme d’Arnaud : le martyr religieux vu par les artistes, tout un programme.
Les artistes sont Occidentaux (USA, Norvège, Suède etc) ou Orientaux (Liban, Egypte, Indonésie etc) et abordent les symboles chrétiens ou musulmans. L’approche peut être déprimante avec les guerres de religion depuis les croisades jusqu’à la Syrie, ou esthétique avec les représentations du paradis qui attend les martyrs : un jardin pour les musulmans, une ville en or pour les chrétiens. La visite guidée est intéressante et la guide partage avec nous les réactions des précédents visiteurs.
Il est amusant de remarquer que la même œuvre (le Christ et Coca Cola) a choqué à la fois des touristes des USA et ceux de Russie. Alors que nous sommes beaucoup plus émus par les vidéos sur le kamikaze libanais des années 1980 et celle du réfugié syrien témoignant en langage des signes. Chacun réagit avec une sensibilité différente, et même si le groupe est très petit (5 personnes: Norvège, Oregon, Italie), il y a beaucoup de questions. Un thème qui fait réagir. La sélection des œuvres est très variée, bien commentée et le livre de référence “Art+Religion au XXIème siècle” est passionnant.
Nous profitons du temps magnifique pour faire un safari photo, à la chasse aux détails architecturaux typiques de l’Art Nouveau de ces maisons (frises végétales, pignons, dragons) :
Lundi 18 juin 2018
Aujourd’hui nous faisons le long trajet en bus d’Alesund à Trondheim et sommes désormais à seulement 2 degrés du Cercle polaire. Nous avons la chance d’arriver à Trondheim juste après l’averse. Nous arrivons donc secs à notre B&B 🙂
Nous profitons de l’absence de pluie pour visiter le quartier du vieux pont : Galme Bybro.
Mardi 19 juin 2018
Nous commençons la journée par la visite du Musée des joyaux de la Couronne norvégienne (couronnes, épée du Royaume, étendard). Nous avons la salle presque pour nous tous seuls et nous pouvons admirer tranquillement les pierres scintillantes des couronnes, cela change de la foule à la Tour de Londres. Le musée présente aussi une exposition sur les reines au Moyen-Age et nous retrouvons l’histoire fascinante de Margrete qui gouverna les 3 royaumes du Danemark, Norvège et Suède.
Juste à côté, le Musée de l’archevêché est un peu décevant, il manque de lumière (des salles sont littéralement dans le noir !) et d’un audioguide ou d’une visite guidée pour mettre en valeur les nombreux objets découverts lors des fouilles et qui racontent la vie quotidienne au Moyen Age. Une réussite de ce musée est la série de maquettes représentant la cathédrale à travers les siècles, de la taille minuscule de la petite église du XIème siècle jusqu’à l’immense cathédrale actuelle.
Nous découvrons aussi l’atelier où l’archevêché frappait sa monnaie. C’est un fait rare qu’un monarque autorise l’Église à frapper monnaie, habituellement monopole de l’Etat Ce privilège n’a été accordé qu’épisodiquement. Vous l’aurez deviné : dans le cadre d’une négociation où le monarque avait absolument eu besoin du soutien de l’Eglise pour être couronné ou garder sa couronne.
En fin de matinée nous participons à la visite guidée de la cathédrale dont l’histoire commence comme une épopée. Le jeune Olaf trouve la foi lors d’un raid en Angleterre et est ensuite baptisé à Rouen : comme quoi, la piraterie mène à tout 🙂 Olaf se donne 2 objectifs a priori tous les deux inatteignables : devenir roi de Norvège et christianiser le pays. Contre toute attente, Olaf atteint ses buts ! A sa mort, il est canonisé immédiatement et ses reliques attirent de nombreux pèlerins. Les pèlerinages enrichissent Trondheim et permettent de construire une cathédrale romane digne des autres merveilles contemporaines romanes de France et d’Angleterre.
La cathédrale a brûlé au XVIème siècle et sa nef est restée à l’état de ruine pendant 3 siècles. L’histoire de l’abandon du bâtiment puis de son retour en grâce 300 ans plus tard est intéressante :
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abandon (XVIème-XIXème) : le roi Christian s’est converti au protestantisme et ne voit donc aucune raison de réparer ce symbole du catholicisme. Plus tard, le style roman du bâtiment est mal vu car le Moyen Age est considéré comme une période barbare.
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retour en grâce (XIXème) : le romantisme change de nouveau la perception du Moyen Age et revalorise aussi le style roman. De plus, la nouvelle Constitution du pays prévoit que le roi doit être couronné à la cathédrale de Trondheim, en référence aux couronnements du Moyen Age. Pour toutes ces raisons (nouvelle mode et légales), il faut donc rebâtir la nef au milieu du XIXème siècle 🙂
La cathédrale compte 3 orgues toujours utilisés régulièrement dont un orgue allemand ancien et un orgue gigantesque qui compte 10000 tuyaux répartis dans le bâtiment, cette configuration permet de jouer dans la nef et dans le chœur. Beaux vitraux du début du XXème siècle : l’artisan a mis 30 ans à les réaliser représentent des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, conforme à la tradition médiévale où les vitraux servaient de catéchisme aux fidèles qui ne savaient pas lire.
Le dernier Musée du site retrace l’histoire de Trondheim et de la Norvège à travers la domination danoise puis suédoise (1814-1905) avant la séparation avec la Suède en 1905. Au début du XIXème siècle, un personnage digne d’Alexandre Dumas entre dans l’histoire de la Suède et donc de la Norvège, Bernadotte.
Jean-Baptiste Bernadotte est le fils d’un bourgeois de Pau qui s’engage en 1780 comme sergent dans l’armée du roi de France. La Révolution puis l’Empire lui permettent de devenir ministre, prince et maréchal (!) Mais son ascension n’est pas terminée et va se poursuivre en dépit de la chute de Napoléon.
En 1810, le roi de Suède est alors très âgé et n’a pas d’héritier : le parti pro-français voit dans Bernadotte un candidat parfait pour l’élection du prince héritier et la manœuvre réussit à la surprise générale. Le prince héritier dirige de fait le pays. Dès 1812, il rompt avec Napoléon en s’alliant avec l’Angleterre et la Russie…ce qui permet à la Suède de récupérer la Norvège à la fin de la guerre. Bernadotte, qui a pris le nom de Karl XIV Johan, règne sur les 2 royaumes jusqu’à sa mort en 1844. Mieux encore, les Bernadotte règnent toujours aujourd’hui sur la Suède 🙂
1905 est une année importante pour la Norvège dont le Parlement décide à l’unanimité de dissoudre l’Union avec la Suède, tout en prévoyant de défendre ses frontières au cas où la Suède serait décidée à maintenir l’union par la force. Le Parlement choisit peu après un prince suédois pour devenir le roi de Norvège, Haakon VII, après un vaste vote d’adhésion lors d’un référendum.
Nous revoyons Bernadotte et Haakon VII, ou plutôt leurs portraits, en début d’après-midi lors de la visite guidée du Palais Royal, une des 5 résidences royales en Norvège. La famille régnante se rend dans ce Palais 3 à 4 fois par an pour des visites privées ou officielles.
Le Palais est construit en bois et s’étend sur une longueur de 60 mètres, les pièces publiques (salles de réception, du Trône et du Conseil) sont en enfilade et offrent beaux meubles, tapis, porcelaines à la famille et à leurs invités lors des événements. Notre guide parle couramment français mais comme un couple des USA se joint à nous, la visite sera en anglais. C’est fou le nombre de Scandinaves qui parlent français, chez nous personne ne parle norvégien, ni danois…
Demain Oslo !
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