Samedi 9 juin 2018
Nous arrivons à Kristiansand (sud de la Norvège) en ferry depuis le port danois d’Hirtshals. Les contrôles de sécurité entre le Danemark et la Norvège (non membre de l’UE) sont relax, cela change des aéroports : contrôle des passeports à l’embarquement par la compagnie de ferry puis contrôle par un chien douanier à l’arrivée, c’est tout ! Pas de file d’attente, pas de scan, pas besoin d’enlever ses chaussures.
L’escale de Kristiansand est une bonne surprise. Nous avions juste prévu ici de nous poser à l’arrivée du ferry, de retirer des couronnes norvégiennes et de planifier la suite du parcours. Mais comme nous sommes accueillis par le soleil, nous en profitons pour faire un tour de la ville et nous avons la joie d’écouter plusieurs fanfares : c’est le spectacle de fin d’année de l’école de musique.
Certains ensembles sont très bons et Stéphanie danse dans la rue au son des cuivres entraînants. Cerise sur le gâteau pour elle, des maisons sont peintes en rose, Stéphanie n’aime pas cette couleur, elle l’adore (note pour plus tard, surveiller la décoration de notre future maison) 🙂
Dimanche 10 juin 2018
Avant de partir en train pour Stavanger, nous avons le temps d’aller nous baigner dans le plus grand des 3 lacs du parc municipal de Kristiansand, anciennement utilisés comme réservoirs pour la ville. Cela fait un mois que la Norvège bat des records historiques de chaleur et l’eau du lac est aujourd’hui affichée à… 24 degrés ! Et non ce ne sont pas des degrés Fahrenheit !
Le trajet en train pour Stavanger traverse des paysages somptueux avec des fjords au pied de montagnes impressionnantes, nous avons définitivement quitté les plaines et vallons danois 🙂
Lundi 11 juin 2018
Notre hôte Henrik, professeur d’université, nous explique dans un français parfait (!) l’histoire de la ville de Stavanger. Stavanger n’est qu’un petit bourg de 200 âmes au début du XIIème siècle lorsque la rencontre de 2 intérêts va doter ce lieu… d’une cathédrale qui va se dresser seule ici pendant près de 7 siècles.
Le roi norvégien Sigurd, de retour des croisades, venait de divorcer et voulait se remarier, ce qui n’était pas une chose facile à obtenir. L’évêque de Bergen a refusé catégoriquement le mariage d’un divorcé, laissant Sigurd en peine. Le roi a cherché jusqu’en Angleterre pour trouver un religieux qui veuille bien accepter divorce et mariage. Reinald, originaire de Winchester est donc devenu le premier évêque du diocèse de Stavanger. En échange de la terre et de l’argent nécessaire à la construction d’une cathédrale, le mariage se fit : “la cathédrale vaut bien une messe” a du se dire Reinald. Reinald a aussi apporté avec lui une importante relique, le bras de Saint Swithun. La cathédrale porte encore aujourd’hui le nom de ce saint, même si lors de la Réforme (en 1537) le roi Christian III du Danemark a emporté les précieuses reliques. Précieuses car elles attiraient les pèlerins et donc des revenus à Stavanger.
La cathédrale prépare son jubilé des 900 ans ! Une rénovation qui durera donc jusqu’en 2025, puisque l’église a été fondée en 1125. Les styles sont très contrastés : la construction originale est romane, de style anglo-normand puisque l’évêque Reinald est venu de Winchester; les œuvres en bois sont de la main d’un sculpteur écossais Andrew Smith et de style baroque. La chaire et les épitaphes sont très chargées, très colorées et nous choquent par contraste avec la sobriété de la cathédrale.
En particulier la chaire de 1658 (sorte de petit balcon d’où l’évêque prononçait son sermon) est un raccourci des grands épisodes de la Bible : genèse et vie de Jésus. Le mélange nous semble très curieux alors que les œuvres du XXème siècle s’intègrent mieux : luminaires, chaises, orgues, tapisserie, crucifix, vitraux temporaires (le temps de la restauration).
Le Musée Maritime relate l’histoire de Stavanger : Stavanger se développe finalement au début du XIXème siècle grâce aux… harengs qui viennent par milliers dans ses eaux. Au milieu du XIXème siècle, Stavanger compte jusqu’à 700 petits bateaux de pêche. C’est le début de la prospérité pour la ville : les patrons de pêche investissent les revenus générés dans d’autres bateaux, des conserveries se créent à Stavanger, devenue une vraie ville avec 25.000 habitants.
Les conserveries de Stavanger inondent le monde avec leurs millions de boîtes de poissons, vendues partout avec des marques aux noms correspondant à leurs différents marchés (photo du mur avec toutes les marques “nationales” utilisées). Stavanger possède une flotte importante de bateaux de transport et commerce avec le monde entier : épices d’Inde, soies de Chine sont déchargées dans le port agrandi et modernisé.
En plus du transport de marchandises, Stavanger est un des ports desservis par la Norvegian America Line qui va transporte des centaines de milliers de passagers du début du XXème siècle jusqu’aux années 50.
La fin des années 60 voit la richesse arriver à Stavanger avec la découverte de pétrole et de gaz off-shore, ces gisements font de la Norvège une pétromonarchie, comme dans le Golfe persique 🙂 Mais la Norvège n’est pas victime de la malédiction des matières premières qui frappe la plupart des pays dont le sous-sol est riche et un fonds souverain multimilliardaire, le 1er fonds souverain du monde avec un portefeuille de 1.000 milliards de dollars (!), veille à assurer l’avenir du pays.
Le musée évoque les revendications sociales de l’entre-deux guerres. Stavanger était une ville dite “rouge” : les ouvriers et marins ont tenté de se faire entendre par des grèves mais n’ont eu que peu de succès, notamment dans le contexte défavorable aux revendications de la crise économique des années 30..
Les salles du Musée Maritime recréent différents lieux représentatifs du Stavanger d’antan : un atelier de réparation des voiles, un bureau d’armateur, une épicerie.
L’exposition temporaire porte sur la vie difficile des marins lors des deux Guerres mondiales qui ont durement affecté la Norvège, pays neutre pendant World War I, Occupé pendant World War II. Les marins risquaient leur vie et leurs nerfs dans l’enfer des mines (des barrières de mines ont été mouillées par dizaines de milliers pour empêcher les approvisionnements des pays ennemis), des torpilles et des sous-marins.
Pour ces hommes souvent très jeunes (embarqués à l’âge de 16 ans pour la plupart), le quotidien c’était vivre la peur au ventre. Ces jeunes membres de la marine marchande n’étaient pas préparés à ces épreuves et beaucoup sont revenus affectés psychologiquement.
L’exposition évoque aussi le manque de reconnaissance du pays pour les héros de World War II, aussi bien pour les vétérans ou leur famille survivante. Les armateurs ont gagné beaucoup d’argent avec les bateaux qui livraient les marchandises aux Alliés. Malgré cet argent, les compensations ont été inexistantes ou dérisoires et versées seulement au début des années 70 !
Le vieux Stavanger (Gamle Stavanger) est charmant avec ses petites maisons de bois dominant le port. Les rues fleuris ont un petit côté Montmartre, mais sans la foule.
Mardi 12 juin 2018
Aujourd’hui, nous sommes gonflés à bloc. Nous allons visiter Pulpit Rock. Le nom anglais sonne mieux qu’en français (la Chaire) ou qu’en norvégien (Preikestolen). Nous nous levons tôt, nous avons acheté la veille nos billets de bus et notre pique-nique, “au taquet” on vous dit. Le Preikestolen est une falaise verticale de 600 mètres dominant le fjord Lysefjord : c’est le site le plus visité de toute la Norvège.
Sur les conseils de notre hôte et après avoir goûté des spécialités norvégiennes au petit-déjeuner (harengs, fromage de chèvre…), nous prenons donc le ferry de 9h pour démarrer la randonnée avant les hordes de touristes. Le Pulpit Rock se mérite : d’abord 45 min de ferry puis autant de bus avant de faire 4h de marche pour l’atteindre ! Et malgré tout ce chemin à parcourir, le monde entier vient ici : Allemands, Norvégiens, Français mais aussi Chinois. 4h sur un chemin de gros cailloux assemblés par des sherpas. Si, si, de vrais sherpas ont été embauchés pour faire ce chemin, cela vous donne une idée.
Et tout ça pour… rien ! Le brouillard avale tout, le paysage et les randonneurs. Bilan, nous aurons bien marché, les genoux en compote mais pas de photos de la falaise à vous montrer ou alors si mais des photos du brouillard ! 🙁
Le trajet en ferry sur le retour est à peine moins gris mais au moins on distingue un peu les îles et les bras des fjords. Point positif : les transports on été parfaits pour cette journée, nous n’avons eu à attendre ni les bus ni les ferrys, ils étaient parfaitement synchronisés au rythme de nos pas pour l’aller et le retour.
Demain départ pour Bergen, plus au nord et donc des jours encore plus longs : le soleil ne se couche (presque) plus 🙂
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