Mardi 29 mai 2018
Nous faisons un court trajet en bus jusqu’à Roskilde (30 kilomètres à l’ouest de Copenhague), l’ancienne capitale du royaume, située au cœur de la région des fjords. Une balade nous emmène justement jusqu’à un fjord où des Danois se baignent. “Ils sont fous ces Danois” dirait Astérix car ce n’est pas encore l’été, même si en cette fin mai les températures sont anormalement chaudes avec 27°. Les températures sont plus élevées qu’en France, comme nous le fait remarquer malicieusement un de nos hôtes.
Roskilde abrite la cathédrale la plus importante du pays, elle est classée à l’héritage mondial de l’Unesco car elle est représentative de 800 ans d’architecture à travers ses chapelles qui témoignent des différents styles. En cette fin d’après-midi, nous faisons le tour extérieur de l’édifice dans un calme extraordinaire. La place de la cathédrale est déserte et nous avons l’impression d’être hors du monde, même si 150.000 visiteurs viennent la voir chaque année.
Les villes danoises sont tranquilles avec des espaces verts et des rues piétonnières : du fait de l’usage fréquent du vélo, la circulation automobile est réduite. De plus les conducteurs s’arrêtent pour laisser passer les piétons, c’est reposant de ne plus courir pour éviter de se faire écraser comme en Indonésie ou… à Paris 🙂
Roskilde abrite des maisons traditionnelles avec leurs toits de chaume et beaucoup de bâtiments du XIXème et du début XXème construits en brique : des anciennes usines, maisons et bâtiments du port ont été reconverties en musées, bars et restaurants. Les façades des bâtiments sont toutes restaurées et joliment peintes avec des couleurs jaunes, pastel ou rouge… ces couleurs “à l’italienne” donnent un air de gaité aux rues danoises.
Mercredi 30 mai 2018
La cathédrale de Roskilde (http://www.roskildedomkirke.dk) est une cathédrale gothique du XII et XIIIème siècle, construite en brique rouge, et est la nécropole royale danoise : dans le chœur, la crypte et 4 chapelles principales reposent les souverains régnants du Danemark et leur famille proche.
Comme à Rosenborg, nous sommes intéressés par la vie d’un des personnages historiques les plus extraordinaires : “Marguerite, fille du roi de Danemark Valdemar, par la grâce de Dieu et héritière de droit du Danemark” enterrée dans le chœur de la cathédrale. Fille d’un roi, elle n’aurait pas du avoir de rôle politique majeur en ce XVème siècle mais son habilité et les circonstances en ont décidé autrement.
Épouse du roi de Norvège, une fois veuve, elle devient régente du Danemark et de la Norvège et règne à travers son fils mineur Oluf. A la mort d’Oluf avant sa majorité, Marguerite devient reine à vie et s’empare ensuite de la couronne de Suède ! Le pouvoir théorique était dans les mains de son petit-neveu Eric de Poméranie mais Marguerite décidait de tout dans les 3 royaumes unifiés.
D’autres familles nobles ont leurs tombeaux dans la cathédrale, dont la famille des Trolle, représentés sur la porte de leur mausolée par… un troll. Toutes les heures, un carillon voit Saint-Georges terrasser le dragon. Stéphanie attend l’heure de la bataille pour voir l’action héroïque. Du point de vue du dragon, cette scène est pénible car il est massacré 24 fois par jour et 365 jours par an par le chevalier 🙂
Après déjeuner, nous prenons notre courage à 2 mains et allons défier les Vikings sur leur terrain, une vraie folie. Le musée Viking (https://www.vikingeskibsmuseet.dk/en) vise à présenter la vie des peuples vikings au travers de leur culture, coutumes, habits et nourriture. Des ateliers sont notamment organisés au chantier naval pour construire des éléments de leurs bateaux, les drakkars.
Ces ateliers attirent enfants, parents et classes, il y a même un bac pour vérifier si les coques des bateaux flottent bien. Vu notre habileté hors norme et afin de ne pas augmenter le nombre d’épaves dans la rade de Roskilde et/ou de visiter les urgences avec un coup de hache mal ajusté, nous nous contentons de la visite guidée du chantier naval.
Le guide nous montre les outils de construction traditionnelle (haches, rabots et outils divers) : les bateaux vikings sont construits surtout à partir de chênes et ont une voile rectangulaire en laine. Avec un seul chêne, les Vikings construisaient un bateau pouvant transporter 2 à 3 personnes, ces petits bateaux étaient les plus courants et étaient utilisés pour faire du cabotage. Les Vikings ont aussi construit des bateaux de très grande taille, impressionnants en ce IXème siècle par leurs qualités nautiques et qui pouvaient naviguer dans le périlleux Atlantique.
Le chantier naval associé au Musée a reconstruit à l’identique les 5 bateaux Vikings retrouvés au nord de Roskilde. Ces bateaux auraient été sabordés pour protéger la capitale d’une potentielle attaque norvégienne en bloquant l’accès au chenal. Ces bateaux ont été récupérés dans les années 60 au moyen de la construction de digues. Après 25 ans d’une patiente restauration, nous pouvons admirer l’armature et des éléments de 5 bateaux historiques.
Ces drakkars sont de taille moyenne comme un bateau marchand côtier et un bateau de guerre de 15 mètres. Les épaves restaurées prouvent aussi que les Vikings utilisaient aussi des bateaux de grande taille : il y a un bateau marchand pouvant transporter 25 tonnes et capable de naviguer dans l’Océan.
Le navire le plus impressionnant est le grand drakkar de guerre : avec son faible tirant d’eau et ses avirons, il pouvait aborder rapidement sur les côtes et transporter ses 80 guerriers au plus près de la cible (monastère ou ville) tout en bénéficiant de l’effet de surprise vu la rapidité de la manœuvre. Ce ne serait pas le cas si c’est Stéphanie aux avirons 🙂 Ce drakkar de 30 mètres ne serait d’ailleurs pas le plus grand navire construit par les Viking car un drakkar de 37 mètres (!) a été retrouvé.
Le terme “Viking” désigne au départ des commerçants, s’étant faits opportunément pirates. Par extension, le terme désigne l’ensemble des peuples vivant en Scandinavie pendant la période du IXème au XIème siècle. Ces Vikings étaient composés de plusieurs peuples d’origine germanique, restés sans contact direct avec les Romains.
Des bateaux Vikings réalisent des raids fréquents sur les Iles Britanniques et jusqu’à la côte Atlantique française mais aussi fondent des colonies en Irlande (et notamment Dublin), en Islande, au Groenland et en France. Certains mènent des expéditions jusqu’à l’île de Terre-Neuve au Canada, y fondant même brièvement une colonie. Les explorateurs scandinaves seraient aussi entrés en contact avec les peuples amérindiens, près de 500 ans avant la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb !
Des textes islandais, les “sagas de Vinland”, relatent la vie du chef norvégien Erik le Rouge et de sa famille au Xème siècle : son père avait été banni de Norvège du fait de ses crimes et la famille s’était exilée en Islande. Hélas Erik est chassé du fait d’un meurtre par les autres outlaws vivant en Islande. Erik doit trouver refuge au Groenland (où il fonde une colonie), pas facile d’être un chef Viking sanguinaire 🙂 Son fils Leif fait partie des explorateurs qui découvrirent plusieurs terres à l’Ouest du Groenland, aujourd’hui canadiennes : l’île de Baffin, le Labrador et Terre-Neuve.
Les Vikings ont aussi influencé l’histoire de la France et de l’Angleterre : au début du Xème siècle, lassé des raids sur ses côtes, le roi de France accorde le comté de Rouen au chef viking (“jarl”) Rollon, charge à lui d’assurer désormais la sécurité du territoire. Avec l’arrivée d’une population scandinave, ce comté s’étendra en un siècle jusqu’à former le duché de Normandie, le pays des “Hommes du Nord”.
Un des descendants de Rollon, Guillaume, entrera dans l’Histoire en 1066 en conquérant… l’Angleterre. Le débarquement et la conquête normande victorieuse ont été faites avec des bateaux dont la construction est inspirée des drakkars. La bataille d’Hastings marque aussi la fin de l’ère Viking.
Jeudi 31 mai 2018
Ce matin nous marchons jusqu’au Musée du Rock dénommé “Ragnarock”, le nom du musée est une référence à la mythologie nordique où le Ragnarök est la fin du monde. Roskilde accueille chaque été un des plus importants festivals pop-rock d’Europe. Un nouveau quartier de la ville est consacré à la musique avec des salles de concert et Ragnarock.
L’architecture du bâtiment est très moderne. A notre arrivée, nous sommes un peu inquiets de n’avoir que des explications en danois mais le caissier nous rassure en nous disant que d’autres touristes sont venus et ne se sont pas plaints 🙂
Ragnarock nous plaît avec son matériel pédagogique, ludique et très bien pensé : des vidéos en danois et sous-titrées en anglais (!) nous permettent de nous immerger dans la culture musicale. La 1ère vidéo nous présente le travail des “designers lumière” ?! Dans les années 60, les précurseurs travaillaient avec des groupes comme les “Beefeaters” et contribuaient à leur univers psychédélique : la lumière influençait la musique et inversement. Dans le résultat obtenu, il ne fallait pas non plus négliger la contribution des drogues car c’est sûr, ils prenaient des trucs.
Les vidéos mettent en lumière le rôle de la musique dans l’évolution de la société : les groupes de musique ont eu un rôle d’avant-garde dans la société danoise conservatrice des années 50-60. Même si ces titres n’ont pas tous eu de succès commercial, ils ont fait scandale et donné de nouvelles références collectives avec des sujets comme la sexualité, la libération des mœurs, les droits LGBT.
La politique était aussi présente avec des mouvements gauchistes, pacifistes dans les 60ies en réaction à la guerre du Vietnam puis des réflexions sur l’identité danoise en relation avec l’immigration et l’intégration à la Communauté Économique Européenne. Un politicien a même enregistré un album pour convaincre la population du bien-fondé de l’adhésion à la CEE 🙂
Les musiciens danois ont été fortement inspirés par les Anglo-Saxons qui ont déferlé et conquis le Danemark en vagues successives : le jazz des années 30, le rock dans l’après-guerre et les années 50 puis le tsunami des yéyés pendant les 60ies avec les groupes US et anglais qu’on ne présente plus. Les Danois ont aussi développé leur propre voie avec les groupes punks comme No Knox qui refusaient la société et ses normes, puis le beat ou le rock ont trouvé un public plus large.
Le musée est très ludique : les visiteurs peuvent danser, faire tourner les vinyles et animer les jeux de lumières de la scène. Une salle retrace l’histoire des appareils : les premières radios, les tourne-disques (si, si, cela a existé) jusqu’aux smartphones actuels. Stéphanie remarque qu’elle fait elle aussi partie de l’histoire de la musique avec son minidisc. Les fans et leur lien avec leurs idoles ne sont pas oubliés par le musée avec notamment une galerie d’autographes.
La réflexion sur le rôle des jeunes, leurs aspirations en rupture avec l’idéal de leur parents (par exemple le monde bouché et le “no future” des années 70) et l’impact de leurs musiques sur la société sont particulièrement intéressants.
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